Deux mois... deux longs mois d'errance aux portes de l'hivers. Voilà le temps qu'il avait fallu à Karl pour atteindre Chateaubrouillard. Le jeune fugitif en avait passé des nuits dehors a sentir le froid mordant lui grignoter les orteils, attaquer le sang de ses mains et rougir le bout de son nez. S'il avait parfois été hébergé par un bon paysan et nourrit en échange de services, ces nuits sous un toit avaient été plutôt rare. Karl en était venu à regretter de ne pas être du sexe féminin, qui permettait de se faire accueillir plus facilement. En plus, il avait conscience de ne pas inspirer confiance en général. Ces longues journées avaient eues raison de son apparence physique d'habitude soignée, aidant à mettre en avant son charisme. Il avait conscience de ressembler à présent qu'à un mendiant, avec ses cheveux gras et poussiéreux, ses traces de terre sur le visage et son long manteau abimé. 

A présent, Karl était assis sur le haut d'une colline et observait distraitement le château qui se dressait à quelques kilomètres. Il renifla et se passa les mains sur le visage. Proie au tourbillon de pensées, Karl luttait pour apaiser son esprit. Il se sentait démuni. Son monde entier s'était effondré et il ne voyait plus aucun avenir. Karl ne s'était jamais vraiment projeté dans l'avenir, il a toujours vécu au jour le jour. Mais son histoire était à présent trouble, incertaine et le plongeait dans une angoisse permanente. Qu'allait-il devenir ? 

Cette angoisse interne était agrémentée par l'angoisse de la fugue. Il savait des hommes à ses trousses. Il en avait déjà croisés plus d'un. Cela le mettait dans une position de proie et de survie constante qui l'épuisait autant qu'elle le tourmentait. Je dois me hisser coute que coute à nouveau en haut de la chaine alimentaire de ce monde. Je ne peux pas survivre sinon. Songeait-il constamment, comme un écho qui lui donnait un maigre but. Une quête, quelque chose à accomplir. 

Car Karl avait besoin de ça pour avancer. Sans quête, il n'était qu'une âme égarée et torturée. Une de ses premières quêtes s'achevait à présent : il avait réussi à atteindre Chateaubrouillard. Mais maintenant qu'il y était parvenu, il doutait. Qu'avait-il vraiment espéré en venant ici ? Être assez loin pour se faire oublier du roi ? Être protégé par cette famille à qui il a livré une guerre il y a moins d'un an ? Karl était un ennemi public. C'est-à-dire un ennemi de tout le monde. Et il s'en rendait compte maintenant : pour le peu qu'il parvienne à rentrer au sein de rempart, il n'allait pas mieux vivre. Au contraire, il n'était pas loin de se rapprocher de la gueule du loup. Il avait nourrit l'espoir que la famille Montdesbrumes éprouvent encore une profonde rancune envers Darkus. Et qu'il puisse ainsi se mettre à leur service. Car les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Hors Karl était un Sombreval et avait contribué de près à cela. Si auparavant il aurait pu usé de son anonymat, les affiches placardées jusque dans les plus petits villages l'en empêchait à présent. 

- Qu'est-ce que j'ai fait... Mais qu'est-ce qui m'a pris.  Se lamenta-t-il un instant 

Idylle, qui broutait non loin de lui, releva le nez pour l'observer. 

Il avait songé à retrouver la jeune Krysta Boiscendré. Mais elle était une alliée fidèle à Darkus. Et il la mettrait en danger si ce dernier venait à apprendre qu'elle avait eu la bonté de l'héberger. Ou juste de l'accepter dans sa ville. 

- Il te faut une écurie, hein ma belle. Pour toi et ton poulain. 

L'hiver étant, trouver de l'herbe se faisait rare et le poulain était encore loin d'être sevré. Sa courageuse jument devait produire assez de lait mais son état se dégradait peu à peu. Comme celui de Karl, qui ne mangeait pas à sa faim assurément. Un instant, il pensa à Granbleu. Cet homme bienveillant qui s'était montré tendre avec lui. Et de nouveau à Krysta, dont la douceur de ses gestes avaient comblé ponctuellement son besoin affectif. 

Karl se mit à pleurer. Les larmes s'écoulaient lentement le long de ses joues sans qu'aucun mouvement de son corps ou de sa respiration ne les accompagnent. Comme si le froid en était la cause et non la tristesse intense qu'il ressentait. Le vent se leva et balaya ses cheveux dans une caresse qui se voulait presque réconfortante. 

Amalinsk avait l'habitude du froid de l'hiver. Ou encore même, cette température qu'il y a lors de l'hiver du sud, c'était idéal. Pas chaud, mais pas gelant comme l'hiver au nord. Peut-être que c'était en rapport avec sa magie en plus de sa région d'origine, mais elle a, depuis sa tendre enfance, toujours eu une préférence pour les températures froides. Elle ne supportait pas la châleur, se rappelant toujours de son arrivée au sud pour la première fois. Ca la suffoquait, elle ne pouvait pas se concentrer. Berk. Elle était choquée par le peu de textile qu'elle avait besoin de porter. Pas de collants ? Wow. C'était l'hiver désormais, donc elle recommença à porter des collants sous ses jupes. Elle était toujours habillée légère, pas besoin de beaucoup au sud.

Le vent faisait flotter ses longs cheveux bouclés lorsqu'elle voyageait sur poney. C'est un mâle noir nommé Ivan qui se démarquera bien sur les fonds blancs hivernaux quand ils apparaîtront. Elle l'a emprunté à la capitale, et son objectif, c'était Châteaubrouillard. Marchés, fête du solstice, moment idéal pour un spectacle de patin sur glace. Moment idéal pour campagne de propagande.

Kaléninga lui avait répété la stratégie de propagande. Mettre en avant toute la marchandise à marché, les offres généreuses. La générosité du nouveau roi. Le nouveau roi est tellement clément envers même les peuples vaincus. En particulier lors des hivers difficiles. Faire son spectacle de patin artistique. Dire que grâce au soutien financier du nouveau roi envers les artistes, elle était libre d'exercer sa passion et de la transmettre aux autres.

Tout cela lui sonnait bien simple, mais elle avait demandé "mais POURQUOI on commence pas direct à investir dans de la meilleure infratruc- insfra- INFRASTRUCTURE au nord ? Pourquoi satisfaire ces sudistes ?". Et Kaléninga lui a dit que si les gens respectent pas le nouveau roi, il paieront pas leurs taxes, donc pas de fric de quoi investir au nord. Et qui si le sud s'agitait trop, ils allaient renverser le nouveau roi nordiste aussi facilement qu'eux avaient fait avec le roi sudiste, donc tout l'effort aurait été inutile. Patience, patience. Il lui dit encore qu'elle ne pouvait pas faire de pirouettes sans d'abord apprendre à pas tomber sur la glace. Rôôô, analogie conne, Amalinsk savait être en équilibre sans avoir besoin d'apprendre. Pourquoi forcer un truc personnel alors qu'elle aurait très bien capté le traditionnel "on construit pas le deuxième étage sans avoir posé le premier".

En plus du poney, on lui avait aussi donné une bourse bien généreuse. Largement suffisant dans les campagnes où on peut pas être chipoteur avec les logements. La majorité des pièces iront naturellement vers l'achat en masse de larges colis de marchandise à distribuer gratuitement en tant que propagande. Mais même, en observant le sud, même les petits villages pauvres allaient mieux que Tertrefort. Selon elle, ces putains de sudistes avaient pas besoin de marchandise gratuite, faut pas plutôt livrer cette marchandise au nord ? Rââââââ. Autant se concentrer sur ce truc de propagande qui avait rien à avoir de direct avec Tertrefort pour en avoir fini avec. Bof. Pourquoi pas commencer dans les tavernes où elle s'arrêtait ? Danser un peu, complimenter Drakius, acheter des bières pour les autres au nom de Drakius, le tour est joué. Elle savait pas si ça marchait réellement, mais on lui avait dit de faire comme ça. Drakius Drakius Drakius... elle commençait déjà à en avoir marre de dire son nom autant de fois. Chipoterie, oui, déjà avant l'opération officielle de propagande. Rien en rapport avec ses réels ou non sentiments à propos de Drakius, enfin elle le respectait, il était au service du nord quand même, mais elle en aurait marre même si on lui demandait de répéter "patin patin patin".

Idylle avait été la première à relever une nouvelle fois la tête en sentant arriver Ester. Karl, qui avait momentanément baissé sa garde, suivit son regard. Très peu de temps après, il entendit des craquements de branches et des pas qui se rapprochaient résolument de lui. Sa main se glissa machinalement dans sa manche pour saisir l'un de ses couteaux, prêt à le lancer. Il avait déjà écarté la piste qu'il pouvait s'agir d'un animal, car la démarche lui semblait pataude et dérangée par toutes ces branches. Ensuite, il avait l'avantage de son psychisme, qu'il développa discrètement dans cette zone pour en capter les intentions premières de la personne. Sans la sonder, juste de quoi ressentir les émotions qui émanaient d'elle. Il ne ressentit alors que de la bienveillance et ce fort sentiment de venir en aide. Pour qui, il n'en savait rien. Mais cette personne ne lui voulait sûrement pas de mal et allait être surprise de le croiser. 

Ester apparue subitement, sans manquer de le surprendre. Idylle elle-même sursauta et fit un petit bon de côté. Ses muscles s'étaient raidit, et toute la tension qu'il ressentait faillit le faire dégainer. Il accueillit la jeune fille avec un regard sombre, très peu avenant. Il la dévisagea, comme pour s'assurer qu'elle était inoffensive. Et enfin, on nota qu'il se détendait. Sa main se retira doucement de sa manche et il détourna le regard pour se perdre dans la contemplation d'une perle d'eau sur une herbe. Elle ne pouvait pas être venue pour lui, cette envie d'aider ne pouvait pas lui être destiné. Il s'attendait à ce qu'elle passe son chemin.

Dans un autre temps, Karl l'aurait sûrement charriée, lui aurait adressé un sourire moqueur ou un regard amusé. 

Mais, presque au moment où il s'attendait à la voir partir, il fut saisit par une envie de la voir rester. Qu'elle ne le laisse pas seul. Il avait besoin d'aide, et son besoin d'attention refit surface. Emanait d'elle une gentillesse authentique et apaisante. Il hésita... puis finit par se redresser un peu et la regarder à nouveau en esquissant un sourire. Ce sourire lui parut si dur à dessiner, comme si ces muscles ne s'étaient pas exercés à cette gymnastique faciale depuis des lustres. 

- T'aime pas les chemins ?

Le poulain, curieux de cette nouvelle venue, s'approchait timidement. Il sursautait parfois lorsqu'il dépassait lui-même sa distance de sécurité et s'éloignait. Mais il revenait jusqu'à réussir à renifler la main d'Ester, l'encolure tendue et les pattes écartées. 

(Ah mais oui c'est vrai qu'ils se sont déjà croisé !) 

Karl ne se souvenait pas d'elle non plus. Même si le jeune homme avait habituellement une bonne mémoire des visages, sur le coup il ne se souciait absolument pas de savoir s'il la connaissait. 

Il la considéra un peu plus lorsqu'elle lui répondit sur le même ton, en lui renvoyant sa remarque. Ca c'était un tempérament qu'il appréciait. Ses yeux rièrent un court instant. 

Puis, elle posa cette question, d'apparence si simple mais qui lui serra le cœur d'une force qu'il avait rarement ressenti. Son tourbillon de tristesse réapparu et son visage se tordit dans une moue témoignant sa détresse. Sa respiration se coupa un instant, reprit saccadée. Face à Ester et sa bonté apparente, il avait l'impression qu'il pouvait laisser tomber son armure mentale et se montrer tel qu'il se sentait. Mais cette ouverture était dangereuse. Montrer sa faiblesse était dangereuse. Alors il dégluti, détourna un instant le regard pour ravaler ses larmes qui menaçaient de couler à nouveau. Il calma sa respiration et reprit : 

- Si tu poses la question c'est que tu te doutes que... pas trop. 

C'était la première fois de sa vie qu'il formulait explicitement qu'il n'allait pas bien. Première fois qu'il l'avouait ouvertement. C'était étrange, nouveau, il avait l'impression de se mettre en danger et son renfermement se senti. Il devait rester protégé. Mais sans vraiment le décider, il se décala d'une fesse sur le tronc qui lui servait de siège, laissant la place à Ester de s'installer si elle le souhaitait. Il ne voulait manifestement pas la repousser, mais alors il devait faire en sorte de ne pas s'engager dans cette conversation : 

- Qui es-tu ? Tu fais quoi ici ? 

Ce n'était peut-être pas très fin, mais pas moins sincère. Il avait envie de se concentrer sur une autre vie, penser à autre chose. 

Une fauconnière. C'était intéressant, car pour Karl tout ce qui touchait les animaux était intéressant. 

- Sympas ça. Commenta-t-il sincèrement 

Il n'avait jamais été très proche des oiseaux mais il ne serait jamais contre en apprendre plus sur eux et la manière dont les fauconniers s'en occupent. 

- Non en effet. Répondit-il ensuite simplement. 

Et s'il devait préciser de l'endroit d'où il venait, il ne saurait même pas quoi dire. Concrètement, il venait de la capitale. Mais avant la capitale, il venait de Boiscendré. Et au final, avant Boiscendré il était de Sombreval. Il baissa un nouvelle fois la tête, paru encaisser ses pensées et reprisa à nouveau. A présent, il était de nul part. 

Encore renfermé, il ne parvint pas à entretenir la conversation et laissa à Ester le luxe de le faire si elle le souhaitait.

Karl haussa les épaules et hocha à moitié la tête : 

- En effet je suis en difficulté financière. Je n'ai plus les revenus que j'avais avant. Mais ce n'est pas mon plus gros problème car les gens à la recherche de service ne sont pas rare et je suis polyvalent. 

Il hésita, se frotta les mains, chercha à se les cacher comme s'il s'empêchait de lui révéler la réalité. Puis au final, ce poids lui parut trop lourd et il lui avoua : 

- Mon principal soucis c'est que je suis recherché, traqué même. Je ne peux pas m'approcher des villes il y a trop de gardes. Et mêmes des paysans peuvent me reconnaitre. Mon principal besoin c'est de trouver une écurie. Idylle doit encore allaiter le petit mais elle besoin de foin avec l'hiver. Et lui aussi a besoin d'un box et de paille chaude pour se lover dedans la nuit. 

Karl sentit la tension qui secoua Ester a ce instant. Il l'a dévisagea. Pourquoi cette panique? Au temps qui court, au pauvre paysans qui n'a pas réussi à payer la totalité des dûes peut être recherché et fouetté. Mais pour le coup, l'intuition de la jeune femme était bonne : Karl était recherché pour meurtre. Pas pour vol d'un pain ou d'un cheval, pour meurtre. Meurtre de l'héritière qui plus est, et tentative sur le roi actuel. 

- tant mieux... Au moins tu n'as pas encore tous les aprioris sur moi. 

Il s'abstint de dire qu'il était le fameux "meurtrier sanguinaire qui tue tout ce qu'il croise". Elle n'avait pas besoin de savoir et cela la préserverait de potentiel problème. 

Quand elle parla de l'écurie, il la regarda avec une lueur d'espoir. 

- Si en apparence je t'offre mes deux chevaux. Arriverais-tu à les intégrer à l'écruie ? 

C'était là une esquisse d'idée. Ils y avait plein de points qui pourraient freiner cette idée. Il s'attarda sur la silhouette de sa belle Idylle. Il ne lui faudrait pas longtemps pour retrouver son allure d'entan et on remarquerait qu'elle n'est en rien une jument de campagnard. Au contraire, sa jument respire la noblesse, le raffinement. Il suffit qu'un professionnel s'attarde dessus pour que l'idée qu'Ester soit en possession d'une telle jument soit suspect. Et le petit aussi, fils d'un cheval de Herbedrue, ses deux parents sont des chevaux remarquables. Mais c'était peut être là sa seule solution pour garantir leur santé. 

Il lui sourit à nouveau. Ce qu'elle lui disait était tellement soulageant. 

- Merci infiniment. Si ça aboutit, je te serais grandement redevable et tu pourras compter sur moi quand tu le voudras. 

Ester ne se rendait probablement pas compte de l'aide qu'elle lui apportait, ni probablement pas de la valeur affective qu'avait Idylle. C'était un membre de sa famille, sa protéger. Sa fille enfaite. 

La seconde remarque le chiffonna bien plus et sa mine s'assombrit à nouveau. Il détourna le regard, comme par peur que le meurtre se lise sur son visage. Ses mains se frottèrent à nouveau entre elles, comme s'il cherchait à laver le sang de ses victimes qui lui restait collé. Le silence s'éternisa un instant avant qu'un hochement de tête résolu le sorte de ses songes. Il reporta sa concentration sur Ester : 

- Si on fait équipe pour mes chevaux, il faut bien que tu saches avec qui tu t'engages hein... Mais surtout, ne t'enfuies pas quand tu sauras. Je te rattraperais. Je veux que tu laisses passer la panique avant d'agir. Ok ? 

S'il prenait la précaution de préciser cela, c'est parce qu'il avait senti la sensibilité dont elle pouvait faire preuve face à "l'interdit", face au "mal" reconnu par la société. 

Après un nouveau silence, il se lança. Et bizarrement, cela lui demanda plus de courage qu'il ne l'aurait prévu. Il ne voulait pas la voir partir : elle était sa seule sauveuse. 

- J'étais un homme de main proche de Darkus Sombreval. Nan mieux que ça, je suis son neveux enfaite. Et... On a attaqué Sableblanc. Ignis Sableblanc était à deux doigts d'atteindre son but. Elle attendait juste que Darkus revienne avec le coeur de Baudouin, en gros. J'étais chargé de sa protection à ce moment. Mais... je l'ai tué. Darkus était sur le point de me faire enfermer en découvrant la scène. Et j'ai tenté de le tuer aussi. D'où ma fuite...

Il reprit le silence, la respiration accélérée. Il se rendait compte en racontant d'où il venait qu'il n'avait que de vagues souvenirs de ce moment pourtant si propice. Il ne se rappelait que du factuel. Protéger Ignis, la tuer, tentative de meurtre sur le roi et fuite. Le reste, le pourquoi il a agi ainsi et ce qu'il ressentait à ce moment était d'un flou, d'un noir mémorial impressionnant. 

Il esquissa quelques regard timides envers Ester. Voyait-elle à présent ? Voyait-elle l'âme noire et meurtrière qui l'entourait ? Voyait-elle le sang qui coulait en rivière sur ses mains ? Voyait-elle un monstre à la place de son visage ? 

Etrangement, il se sentit délesté d'un autre poids de lui avoir avoué. Comme s'il pouvait respirer à peine mieux qu'avant. Ca avait du bon d'être honnête. Il espérait ne pas le regretter 

Karl avait tenu le silence aussi longtemps qu'elle en avait besoin. Il lui devait bien cette marque de respect. Il hocha la tête, l'air désolé : 

- Merci de ne pas avoir paniqué, et de ne pas changer d'avis par rapport aux chevaux. Mais c'est sûr que ça te met dans une position très délicate car tu peux très facilement être accusée d'être ma complice. Mais si c'est le cas, je ferais tout mon possible pour te protéger. (il eut un rire) Ca peut te sembler très dérisoires comme paroles, venant d'un traitre qui s'est retourné contre sa propre famille. Mais je suis sincère. 

Il aurait aimé dire qu'il ne se retournait pas contre ceux qui lui accordaient des faveurs. Mais Darkus l'a doté d'un deuxième don. Un cadeau impressionnant. Et cela ne l'a pas empêché d'avoir eu ce geste envers lui. Recontextualisons... Ce cadeau date d'une année et on va pas se cacher que Karl s'est plié à tous ces ordres et a donné le meilleur de lui pendant un an. Il avait payé sa dette, qui était déjà un remerciement à un de ses actes. Et je n'ai pas à être fidèle envers qu'un qui m'oppresse. 

- Je suis psychique, poursuivit-il, modifier la réalité dans la tête des gens fait partie de mes spécialités. Je peux facilement te faire passer pour une innocente ignorante. Voir faire croire à tout le monde que je t'ai manipulé et que j'ai abusé de toi. Bref, faire en sorte que tu sois innocentée. Je ne te veux vraiment pas de mal, et je ne veux pas que tu te retrouves dans la même situation que moi pour avoir juste voulue être gentille et venir en aide. Ce serait dommage de gâcher une telle bonté. 

Karl retrouvait de l'aisance dans la parole, et une lueur d'espoir persistait sur son visage. Comme s'il voyait une faible lumière au bout du tunnel noir qu'il arpentait depuis deux mois. Sa situation à lui ne s'arrangeait pas, mais celle de ses chevaux si et c'était déjà énorme. 

"Et puis on ne s'en prend pas à l'esprit des gens. C'est mal. C'est... c'est leur identité, il ne faut pas faire ça."

A cette réprimande, il eut un sourire presque moqueur. Oui, en effet, c'est mal vu. Mais si on dressait la liste, toucher à l'identité d'une personne faisait peut-être parti du moins grave qu'il ait pu commettre. 

Il haussa alors les épaules, l'air désolé et déçu : 

- Pour une fois que je pensais le faire pour le bien. Fit-il ironique. 

Sa deuxième remarque piqua sa curiosité. Il était différent? Vraiment... 

- je n'avais pas prévu de prendre l'identité d'un mendiant aux yeux de la population... Mais si ça peut me permettre de rentrer dans cette ville... 

Il s'arrêta. Non, jamais il ne se rabaisserait à l'image d'un mendiant. Karl gardait sa fierté propre aux Sombreval. Jamais vaincu, jamais en bas de la chaine alimentaire de cette société. La malice paru sur son visage. Il venait d'avoir une idée, peut-être tirée par les cheveux avec autant de chance de réussite que d'échec, mais une idée quand même qui pourrait lui permettre d'avoir la vie sauve, en apparence. Ce serait très audacieux, et insolent pour Darkus. Et il lui fallait se construire une vie bien rodée pour berner le Seigneur MontdesBrumes. D'ailleurs, à sa connaissance, quiconque se déjouait de quelqu'un le payait dans le futur. Mais avait-il vraiment le choix ? Darkus n'allait pas le laisser tranquille. Loin de là. Et il se voyait bien être traqué jusqu'à la mort d'un des deux. Voilà c'est ça, il devait mourir. 

Bon, toutes ces idées devaient être mûrement réfléchies et pour l'heure il avait plus important : Idylle. 

- On verra pour moi plus tard. Si tu veux bien, j'aimerais qu'on parle des chevaux. Il y a un truc qui me tracasse. Ca se voit peut-être pas avec son état actuel, mais Idylle est une jument de haut sang. Elle coûte une fortune et cela se voit normalement. Il suffit qu'elle reprenne du poil de la bête et qu'un oeil avisé comme il doit y en avoir s'attarde sur elle, et on va se poser des questions sur toi. 

( C'est vrai ! Et je trouve remarquable que tu arrives à jouer aussi bien l'un que l'autre) 

Karl prit le temps de considérer sa suggestion. Elle n'était pas mauvaise. Des fois il n'y a pas besoin de chercher compliqué. Cependant, un point l'embêtait : 

- En disant cela, tu sous-entends que ces chevaux ne sont pas les tiens, et seraient à personne. Je ne tiens pas à ce que quelqu'un se les approprie sans que tu puisses rien faire. Ca me rassurerais qu'aux yeux des autres tu ais de l'autorité sur ces chevaux. 

Karl voyait déjà des cavaliers chercher à la monter, à la soumettre à leur propre type de monte alors qu'elle n'a jamais été montée et manipulée par quiconque d'autre que Karl. Il n'était même pas sûre qu'elle accepte de suivre Ester de son plein gré. 

Le silence s'installa, rythmé par le mâchement des chevaux en train de brouter. Karl réfléchissait à la manière la plus arrangeante mais il ne trouvait pas comment lui donner la légitimité suffisante. Il avait pensé à la faire passer pour une prostituée qui avait tellement fait plaisir à son client qu'il lui en avait fait cadeau. C'était gros, mais pas impossible. Mais il doutait qu'elle soit d'accord de dégrader à ce point sa réputation au sein de son métier. 

- Si on garde l'idée que tu les ais juste trouvé, tu n'as aucune connaissance haute placée qui pourrait t'aider à t'imposer sur eux si tu lui dis que tu y tiens ? Il y a bien une chose que m'a appris Ignis, c'est que parfois il te faut juste de la gueule et une bonne dose de dominance pour obtenir des trucs dont tu te serais pas cru capable d'avoir. Le culot quoi... Si dès le début tu te montres très présente, voir autoritaire sur eux. Tu peux t'imposer comme étant leur responsable dans leur esprit et ça leur paraitra tout naturel. Mais ça sera peut-être pas suffisant. Si le maitre d'écurie te soutiens, voir atteste que tu es désignée comme étant la propriétaire jusqu'à ce que le propriétaire soit retrouvé, ou s'il ne l'est jamais, que tu le deviennes officiellement, ça te donne la légitimité dont tu as besoin. 

Karl paru la jauger un instant avant qu'un rictus, loin d'être méchant, se dessine timidement sur son visage. 

- Ma foi, j'imagine que si tu as cette capacité à tourner à ton avantage un défaut de situation, je n'ai pas trop à m'inquiéter... C'est presque trop facile, mais j'ai pas le choix que de te croire. 

Il réfléchit un instant, prenant le temps de se gratter la joue. Pour la première fois, il se rendit compte que de la barbe lui avait poussé sur la peau. Jusqu'ici imberbe, ou quelques rares poils désavantageux, Karl n'avait pas trouvé sa virilité dans la pousse de poil. Ces deux mois de négligences lui fit réaliser qu'il n'était peut-être plus imberbe pour longtemps. Soit, cela contribuera à se faire une nouvelle tête. 

Ces pensées loin d'être utiles dans ce cas masquaient un plan bien plus complexe. Ester lui avait dit plus tôt que le lien n'était pas évident entre sa tête actuelle et celle dessinée sur les affiches, lui laissant la maigre possibilité de se faire passer pour quelqu'un d'autre. Elle lui prenait ses chevaux en disant les avoir trouvés errants. Avoir un lien de causalité entre une nouvelle apparition et celle d'une histoire connue pouvait servir d'argument pour prouver son identité fictive. Il croisa les prunelles d'Ester, témoignant d'une idée naissante. 

- Si ça marche, ce serait extra. Je pourrais... 

Sa phrase s'évapora comme la fumée d'une cheminée tout juste éteinte. Il fronça les sourcils et son regard se durcit tant la méfiance apparue : 

- Attends... Je ne veux pas être désagréable mais je n'ai aucune preuve que je peux te faire confiance. Que tu veuilles reprendre mes chevaux pour les mettre en lieu sûr je ne vais pas trop m'inquiéter, c'est pour leur bien. Et s'il t'arrivais de vouloir les voler, je te retrouverais assurément. Mais tu as dit tout à l'heure que "ça ne réglait pas le problème pour moi". Comme si tu t'en souciais ? Pourquoi voudrais-tu aider un ennemi de l'état ? Un assassin qui plus est, dont la récompense pour contribuer à mon arrestation est sûrement plus haute que trois mois de travail pour toi. Qui me dis que tu ne vas pas t'empresser de me signaler dans les alentours de ChateauBrouillard, face à la porte ? 

Toute la paranoïa qui lui avait tenu compagnie ces derniers mois le saisit à nouveau, comme si elle revenait le serrer si fort contre elle qu'il en étoufferait. L'inquiétude refit surface et sa méfiance le rendit froid et distant. Son regard fixait sans détour celui d'Ester, comme s'il cherchait à percer le fond de sa pensée. 

Karl lui laissa le luxe de lui répondre avant de rentrer dans son esprit. Malgré ce brouillard dans lequel il venait de plonger en l'espace d'un battement de cil, il ne pouvait oublier cette impression de fiabilité qu'elle lui avait inspiré. D'ailleurs, sans cette petite voix lointaine qui le poussait à garder son calme, il se serait montré bien plus brusque. 

Karl resta interdit sans cesser de la jauger. Seul un corbeau répondit à la jeune femme, croassant comme s'il annonçait un mauvais présage. L'hésitation de Karl résidait surtout entre sonder son esprit et être certain de ces intentions, ou ne pas le faire et se baser seulement sur ces paroles de bonne volonté. Juste aider... 

- Je ne connais personne qui aide par...plaisir d'aider. Commenta-t-il en se détournant et en prenant un air détaché. 

Ainsi, il avait choisi de la respecter et de ne pas se montrer intrusif. Pourquoi ? Une bien bonne question dont seul son inconscient avait la réponse. Il avait envie de lui faire confiance, il avait envie de la croire sur parole, comme s'il cherchait encore à se prouver que le monde n'était pas si affreux, et que les gens n'étaient pas si avare et égoïste. Ainsi, Ester redoubla d'importance car elle devenait la chance pour la société de se racheter. Si cette tâche pouvait sembler anodine, dans l'esprit du jeune homme, elle était capitale. Comme on le devine vite, Karl agit sans grande nuance et pour lui, l'issue est soit blanche, soit noire. Soit Ester lui prouve qu'il peut encore faire confiance en son monde, soit elle lui montre que même le plus blanc des agneaux se retournera contre lui. Alors il n'y aura que lui contre tous, et personne n'aura le luxe d'être plus important qu'un autre. Il verra des traitres partout. 

- Et encore moins quelqu'un qui ne court pas devant l'appât de l'argent. Tu m'es presque étrangère. 

Son coeur raisonna un peu plus fort dans sa poitrine, comme s'il essayait de se défendre face à la tristesse et le deuil qui comprimèrent un instant sa cage thoracique. Il eut l'impression d'avoir une nouvelle alliée. Quelqu'un sur qui se reposer, même pas longtemps. Cette possibilité de partager son fardeau pour le rendre moins lourd. Aussi, il repensa à Granbleu, Wood, Hull et Robin. Ces quatre acolytes avec qui il en avait vécu des aventures. Des sacrés coup ! Et toutes ces soirées au coin du feu, dans la plaine ou la forêt lorsqu'ils voyageaient.  Des soirées entières à partager des jeux de cartes que Wood emportait avec lui. Ou à parler de tout et de rien. L'ouverture d'esprit de Granbleu et son attention presque paternelle. Voilà. C'était là que ça faisait mal. Car aucun d'eux ne l'avait suivi. Même celui qui s'était montré proche au-delà du simple but commun, ou de la simple protection de son meneur. Aucun n'avait sacrifié leur vie pour le suivre. Eux qui s'étaient présentés comme étant ces hommes, ses fidèles. En fin de compte ils n'étaient autre que des fidèles à Darkus, fidèles à celui qui avait l'argent. Le sentiment de trahison était présent, sa mâchoire se serra, ses yeux s'humidifièrent malgré sa volonté à le cacher. Il se passa la main dans ses cheveux, une tentative vaine de se ressaisir. 

Il enchaina donc, avant de laisser la possibilité à Ester de réagir : 

- Donc tu prétends les avoir trouvé. J'irais voler un licol dans une ferme non loin, donner au moins l'impression qu'ils ont appartenu à quelqu'un et qu'ils se sont enfuit. Et en ce qui me concerne... Je vais réfléchir encore un peu et peut-être que tu entendras parler de moi dans les prochains jours. 

Karl approuva silencieusement et se leva. 

- Bien, je te retrouverais là-bas d'ici la fin de la journée. Et j'espère que tu n'envisages pas de me tendre un piège. Ça ne fait pas deux mois que je me bats pour ma liberté pour me faire avoir maintenant. A tout à l'heure. 

Il s'éloigna ainsi, sans un regard en arrière, déterminé voir pressé d'aller voler un petit licol dans une ferme. Il ne doutait pas qu'il en trouverais une facilement, mais de là à trouver ce dont il avait besoin et adapté à Idylle, il allait peut-être devoir en faire plusieurs de fermes. 

Sans qu'il n'ait rien à dire, la jument releva la tête, le regarda partir quelques secondes et le suivit sans plus d'hésitation. 

Le soleil déclinait à peine sur les collines. L'hiver proche, les journées étaient déjà bien plus courtes et les collines plongeaient bien plus tôt les villages à leurs pieds dans la pénombre. Heureusement, la journée bien que fraiche, le soleil rayonnait.

L'ombre d'une buse épousait le visage d'Ester à intervalle régulière alors que l'oiseau dessinait des cercles parfait dans le ciel. Ciblé au-dessus de la clairière brûlée. Les herbes jaunies sur son contour peinaient à reprendre de la vitalité, ou sûrement étaient-elles mortes pour de bon, quoiqu'elles tardaient à se décomposer. Certains des buissons en bordure dévoilaient leurs branches nues et noircies tandis que l'autre moitié rayonnait de feuilles vivement teintées de rouge et de jaune, recroquevillées sur elles-mêmes. 

Il n'y avait d'apparence personne d'autre qu'Ester. Seule au milieu de la carrière. La vision incroyablement développée de l'animal percevait un mulot ici et là, mais aucun hommes potentiellement cachés dans les fourrés. Pas de piège ? 

Karl ressorti de l'esprit de l'animal ailé et se tourna vers Idylle, dont sa main tenait fermement la longe du licol de fortune qu'il lui avait trouvé, comme s'il avait peur qu'elle se dérobe. Peur de la perdre. Un licol usé, un peu sale, et à peine trop grand. Ajusté au plus court, il lui flottait à peine sur le chanfrein. Mais il était plutôt content de sa trouvaille. En plus, il avait réussi à s'infiltrer dans la ferme et le chiper sans utiliser son don; par peur de laisser une trace de son passage dans un esprit. 

- Bon... Chuchota-t-il, t'es sage hein. On se retrouve vite. 

Il lança la longe sur son dos et lui tapa la croupe dans un geste qu'il voulait la faire partir en avant. Elle ne réagit pas tout de suite, le regarda pour lui témoigner son incompréhension. La tension de son jeune maître était palpable, comme la pointe de tristesse que lui valait cette décision. Karl dût rentrer délicatement dans son esprit pour lui donner l'envie d'aller trotter en avant. C'était de la triche, mais le jeune homme ne désirait pas éterniser le moment. 

Ainsi, la jument déboula et sorti des fourrés. Elle apprécia ce ciel ouvert et son trot se fit plus rebondissant. Puis, en l'absence de la stimulation de Karl, elle s'arrêta pour détailler Ester. Ses oreilles pointées vers l'avant, elle allongea légèrement le museau, narine dilatées pour en capter l'odeur qu'émanait de la jeune fille. Le poulain, a sa hanche, l'imitait. 

Idylle, encline à la rencontre comme on l'a rarement vu, renifla la main de la jeune fille. Chez elle aussi, Ester avait se petit quelque chose qui inspirait confiance. Et sa voix était toute douce. Elle ne bougeait pas encore, curieuse, et n'envisageait pas qu'Ester avait pour but de lui prendre la longe 

Lorsque la main toucha le bout du museau, Idylle eu un vif mouvement de recul de la tête. Pour revenir au contact, et cette méfiance à trois reprise. Il faut croire que la jument n'était pas beaucoup manipulée excepté par son cavalier, qui la gardait jalousement. Le gratte-gratte à l'encolure eut son effet et la jument baissa momentanément sa garde. 

Karl, toujours délicatement infiltré dans l'esprit de sa jument, fut surpris de percevoir une douce vague apaisante se répandre et envelopper Idylle. Ester était donc bien une psychique. Le jeune homme hésita alors. Il avait eu envie de rentrer très discrètement dans l'esprit d'Ester, juste assez longtemps pour s'imprégner de sa marque et pouvoir la retrouver sur des distances plus longues. Seulement, Ester partageant ce pouvoir, il y avait bien plus de risque qu'elle le sente et au vu de sa réaction face à l'utilisation de la magie sur les hommes, il ne voulait pas la froisser. Tant pis, il saisira l'occasion une prochaine fois. A un moment où elle ne se servait pas de son don. 

Il ne fut pas vexé de la voir utiliser ce moyen. Il pouvait comprendre même, Idylle, au-delà de son dressage parfait, était très réactive, très sensible et ses réactions pouvaient surprendre.

A côté, Idylle se montrait calme mais eu un mouvement défensif de la tête lorsque Ester osa une fine pression sur elle. Une sorte de non qui cherchait à se débarrasser de la pression, sans pour autant être violent. 

(yes la réactualisation de la page avant d'envoyer. Ca m'avait pas manqué ça. Ce moment où tu te dis "merde" et où tu viens pincer ton nez pour contenir cette... rage de devoir réécrire) 

Karl sentait dans l'esprit de sa jument un mélange entre son instinct qui lui disait de se dégager et retourner auprès de son protecteur. Et la buée de positivité dans laquelle elle baignait, l'invitant à rester auprès d'Ester. Ainsi, elle se montrait réticente, mais pas violente. Le jeune homme regretta presque de ne pas avoir mis le licol sur le poulain car baignait insouciamment dans ce que la jeune fille inspirait et il était pleinement capable de la suivre. Idylle ne l'aurait pas lâché et aurait trotté nerveusement derrière.

Enfin... Karl décida d'apporter son aide et refoula l'instinct d'Idylle. C'est vraiment de la triche le psychisme. Songea-t-il pour la première fois. D'extérieur, la jument cessa ses mouvements de tête désapprobateurs, hésita une dernière fois, et fini par céder à la pression. Elle enclencha enfin le pas vers l'avant. 

Et les voilà parties. Karl les sentis s'éloigner et sorti enfin de l'esprit de sa jument. Il était temps de faire confiance à présent. Le jeune homme se tourna en direction de baguè. Cela lui faisait toujours étrange d'avoir un tigre aussi grand que lui. 

- Et toi... T'es quand même pas discret mon gros. 

Baguè avait beau avoir atteint sa taille adulte, il restait très jeune dans sa tête et Karl était sa mère aussi loin qu'il s'en souvienne. D'ailleurs, ce tigre n'avait probablement pas les codes des autres tigres de son espèce et serait bien embêté d'en rencontrer un. Il ne comprendrait que le fondamental : agressivité ou non. Mais tout de même : ce tigre n'était pas dans son élément. Ces collines brumeuses et marécageuses parfois au sous-bois parfois dense n'était pas son lieu d'habitat. En plus, ils se trouvaient dans une région plutôt peuplée : il n'était pas à l'abri d'être aperçu et d'être l'objet d'une chasse. Que faire... Et Baguè était très utile pour Karl, surtout en ce moment. Il lui tenait chaud la nuit, il lui rapportait quelques fois de la viande, et il le protégeait parfois. 

Le jeune homme lui flatta l'épaule. 

- Aller vient. Va falloir trouver de quoi manger ce soir. Et se trouver un endroit sûr pour dormir.  

(je te suis ! :D)

(Bonjour. Je poste ici pour le lendemain ? Pour le lieu de rendez vous ?)

(vasy, je te suis)

Amalinsk avait des habitudes de vie rigoureuses qui ne se voyaient pas derrière son style de parole qui était bordélique avec les gens communs, et ultra tendu et stressé devant les personnes importantes. En effet, quand il était question de patinage, on aurait dit que l'adolescente était tout une autre personne. On aurait du mal à l'imaginer calme, mais la voilà, arrivée de bonne heure au lieu de rendez vous, à faire les exercices de respiration qui étaient la première étape de sa routine d'échauffement en marchant jusqu'à sa destination. Elle enchaîna avec les étirements et les tournoiements de chevilles. Ensuite, ce sera l'échauffement de sa magie.

Matinée nuageuse, un ciel uniformément gris, de l'herbe pâlie par l'hiver. Un sol bien plat. Autant commencer l'échauffement par la création de la patinoire. Elle ne prenait pas beaucoup d'effort à créer ou à maintenir, vu que ce n'était que mettre une couche de glace plate sur le sol. Mais pouvoir maintenir la surface gelée lorsqu'elle enchaînera ses figures sera quand même un exercice mental.

Et la couche glacée apparut. Ensuite, elle se mit à patiner en rond sur la surface, en arrière, en changeant souvent de sens en croisant les pieds. Tout était prêt, et maintenant elle pouvait passer à la partie artistique.

Le thème: juxtaposition du froid de la glace et de la chaleur qui réchauffe le coeur, pour encourager la populace lors de la plus courte journée de l'année, lors de la saison difficile. La fluidité de ses mouvements pouvaient être associés aux flammes, donc Amalinsk continua à chercher le bon équilibre dans ses pirouettes (dans les deux sens), ou en d'autres termes suffisamment onduler ses bras pour communiquer la métaphore des flammes dansantes, mais aussi rester en équilibre.

Une fois qu'elle sera satisfaite et confortable dans ses mouvements physique, elle allait s'entraîner à créer des effets spéciaux avec sa magie. Elle avait surtout l'habitude de créer des rapières lorsqu'elle s'entraînait au combat, mais pourquoi se limiter à l'arme ? Donc, pour commencer simple, elle créa une barre de glace. Vaguement similaire à son épée, et elle fit tournoyer la barre entre ses doigts, la faisant passer d'une main à l'autre. Maintenant, faire onduler et courber la barre selon la forme des doigts. Modifier fluidement la forme des objets qu'elle créait... elle ne faisait pas vraiment ça. Ce qu'elle faisait le plus, c'était réparer une rapière qui se brisait. L'idée de mettre de la magie dans son spectacle, c'était une idée toute nouvelle qu'elle avait eu lors de son trajet.

(et deux mois plus tard.... BONJOUR ! Toutes mes excuses Lone Cloud pour cette longue absence. J'espère revenir plus assidument. Et j'espère que tu es toujours motivée pour jouer ici :D) 

(je sais plus trop qui venait avec qui. Je crois que Leya dormait avec Ester du coup elles sont sensées arriver ensemble. Et Alex tout seul. Je crois...) 

Alors que Amalinsk tournoyait déjà sur la glace,  les deux jeunes amies sortaient des remparts de la ville pour la rejoindre. A peine en extérieure, la métamorphe prit sa forme animale. L'hiver était bien entamé, mais encore timide, et ceci se voyait à son pelage majoritairement blanc parsemé du brun de l'été. La petite hermine enfouit sa tête dans l'herbe recouverte d'une fine couche de givre, fit quelques pas ventre contre terre et ressorti d'un bon à quelques centimètres devant Ester. Leya appréciait toutes les saisons. Même si l'hiver était beaucoup plus rude et que son corps humain avait très froid, celui de l'hermine était parfaitement adapté. Il était donc beaucoup plus courant de la voir transformée, surtout quand Ester était à côté pour récupérer ses habilles et lui transporter jusqu'à ce qu'elle reprenne sa forme humaine. 

La petite hermine se hissa sans peine au dessus d'un petit roc, pas plus haut que les genoux de son amie. Elle regarda le ciel, tapissé de nuages gris encore peu menaçant. Une brise fraiche soufflait, mais ne paraissait pas apporter de mouvements aux nuages. Il n'allait pas pleuvoir de si tôt. Peut-être ce soir par contre. Et hop, d'un bond, elle rejoignit les herbes et poursuivit sa marche insouciante entre les pattes à Ester. 

Leya n'avait pas le réflexe de faire la causette pendant les trajets. Elle était une bonne compagnie pour quiconque appréciait le silence. Elle se satisfaisait de la compagnie de ceux qui n'avaient pas toujours besoin de parler pour se faire comprendre. Elle était d'ailleurs très attentive à ce qu'émanait son amie en ce début de matinée. Etait-elle détendue ? Ou au contraire avait-elle quelque chose qui la tracassait ? Pendant un instant, l'hermine dévisageait Ester, tête penchée sur le côté, oreilles pointées dans sa direction. 

(D'ailleurs Plume, avant on faisait pas attentions aux histoire de vêtements pour les métamorphes. On les faisait se transformer et détransformer en admettant que les habilles suivaient le mouvement. Mais maintenant j'ai l'impression que c'est devenu une vraie problématique. Comment ça se passe, on se met sur quelle base ?) 

(embêtant ça ahah ) 

Voyant les traits du visage de son amie plutôt détendue et positive, l'hermine reprit son chemin jusqu'au champ. De là, elle se dressa sur ses pattes arrières. Elle vit un peu plus loin la fameuse artiste sur glace. Son aisance sur la glace était déjà belle à voir ! Leya allait apprécier cette répétition de spectacle, elle le sentait. 

Alex n'était pas encore arrivé, mais il était du genre fiable et sa mémoire le trompait rarement sur l'organisation d'une journée.  

Pour la fin de sa représentation, Amalinsk terminera sa dernière séries de sauts en atterrissant en révérence. Vu que c'était le dernier geste qu'elle montrera à l'audience, il fallait que celui ci soit le plus réussi, celui dans lequel il n'y aurait aucune faute. Elle termina sa première répétition, et tenta de créer des flocons, et de les lancer au public comme on lance des fleurs ? Serait ce une bonne idée ? Etait elle capable de le faire correctement sans gâcher ses gestes physiques ?

Alors là, les fleurs n'apparurent pas dans ses mains. Quand elle se redressa, elle fit le geste... sans les effets magiques, ce qui pourrait paraître un peu ridicule. Elle avait réussi à oublier d'utiliser sa magie, mais avait gardé le simple geste des bras qui allait avec. C'était un peu humiliant vu qu'elle venait de remarquer l'arrivée d'Ester. Elle n'avait pas encore vu l'hermine blanche.

- Oh, salut!

La glace disparut sous ses pieds lorsque l'attention d'Amalinsk se faisait distraire. Elle remarqua cela un peu trop tard, car son premier pas vers Ester, assez maladroit, s'était fait en supposant toujours la présence de la glace.

- Haha! T'inquiète.

Amalinsk tenta d'effacer son embarras par le rire, puis sourit de retour.

- Ca va ?

Leya était toujours dans les pattes à Ester quand celle-ci se lança en avant pour venir en aide à la patineuse. L'hermine poussa un petit couinement de surprise en sauta sur le côté pour échapper à cette situation. Elle se trouva ensuite un petit promontoire et se dressa sur ses pattes arrières. Ester devait lui rendre ses vêtements si elle voulait se transformer à nouveau en humaine. 

En attendant, l'inconnue paraissait vraiment sympathique et avenante.

- Okay, pas de problème!

Elle regarda Ester sortir les vêtements de son sac. Ils avaient l'air tout à fait ordinaires, et même s'ils étaient spéciaux, Amalinsk aurait trouvé étrange qu'Ester change de tenue juste là. "C'est bizarre" marmonna-t-elle en regardant, avant de se rendre compte de l'hermine.

L'hermine fit quelques petits sauts en voyants Ester s'approcher d'elle pour étaler les vêtements au sol. Aussitôt, Leya s'y faufila. On ne la voyant pas, mais peut-être pouvait-on le deviner, elle s'allongeait sur le dos, pattes écartées. Et elle se transformait. Les vêtements se gonflèrent, et des petites mains apparurent bientôt au bout des manches. La tête ne passa pas toute seule le col, obligeant la jeune fille à se débattre pour trouver la sortie. Enfin, sa petite tête apparu, lui permettant de faire quelques réajustements. 

Souriante, elle salua timidement Amalinsk d'un signe de la main. 

- Ah! s'exclama celle ci par surprise... elle n'avait pas du tout pensé à la possibilité du métamorphisme. Amalinsk rit de manière embarrassée la deuxième fois lors de cet intervalle de... quelques minutes ?

- Ah, euh... 

"Désolé, je ne t'avais pas remarqué" ? C'était comment elle allait s'excuser. Lorsqu'elle revint sur un ton moins surpris, elle se dit que la métamorphe ne cherchait pas à se faire remarquer, non ? Il lui fallait un moment pour comprendre la mentalité de cette personne qui devait s'habiller sur le moment.

Le jeune homme n'allait pas se faire attendre plus longtemps. Un rapace à la taille fantastique battait des ailes plus haut dans le ciel. Son oeil alerte ne tarda pas à reconnaitre de haut Ester et Leya. Alex entama donc une descente douce. A ses serres pendaient des tissus et une baguette. Bientôt, il n'était qu'à quelques mettre du sol. 

Il s'annonça d'un cri strident avant de freiner juste à côté d'Ester, patte tendue pour lui donner le pain. Le vent causé par ses battements ébouriffèrent les cheveux des jeunes filles. 

- Salut Leya! Moi c'est Am-

Elle avait bien remarqué qu'Ester n'avait pas dit son nom, mais ne se rendit pas compte que celle ci l'avait oublié. Mais avant qu'elle puisse se présenter, l'oiseau avec la baguette s'annonça.

Encore un métamorphe ? Amalinsk n'allait quand même pas juger, elle avait été bien éduquée à ne pas juger les gens selon leur magie. Mais le fait que tout cela lui était inattendu se lisait bien sur son expression faciale, ses yeux ébahis qui observaient l'oiseau tendre le pain à l'humaine.

Alex s'éloigna à nouveau, sans lâcher son tas de vêtements, pour plonger derrière un bosquet voisin, un peu plus haut sur la colline. Il en ressorti quelques secondes plus tard sous sa forme humaine : 

- Bonjour ! Lança t-il avec sa joie et son énergie quotidienne, accompagné d'un large geste de la main. 

Il les rejoignit en trottinant, non sans manquer de trébucher sur une ou deux pierres qui n'étaient pas encrées dans le sol. Heureusement, c'est sans plus d'aléa qu'il arriva à leur niveau. Il adressa un large sourire à ses deux compères, comme s'il voulait rendre celui qu'Ester lui avait lancé à son arrivé. Puis il se présenta à Amalinsk : 

- Alex, et toi ? 

(hop un petit texte qui n'a rien à voir avec nos amis parce que j'avais envie de retrouver Karl. Et je peux pas poster autre part car il est dans les collines aussi...)

Ainsi, Idylle et son petit étaient en sécurité, dans un box à l'abri des intempéries, une paille normalement renouvelée régulièrement, et une alimentation seine pour cet hiver. Idylle allait pouvoir fournir le lait en suffisante quantité pour que le petit se ragaillardisse. Karl éprouvait un soulagement énorme. Comme un poids en moins sur ses épaules, comme s'il avait mis ses propres enfants en lieu sûr. Quoique le lieu sûr demandait à être vérifier et Karl comptait bien s'introduire dans l'écurie une nuit. Il pouvait certes se montrer présent psychologiquement auprès de sa jument, mais ça ne vallait tout de même pas une présence physique. Et le psychisme restait dangereux pour sa discrétion. Il ne voulait pas risquer de se faire repérer. Depuis son arrivée dans les collines de Montdesbrumes, c'est comme s'il avait réussi à semer ses poursuivants et à s'effacer d'Ethanor. 

L'aube se levait mais son versant de colline restait dans la pénombre. Le jeune homme était recroquevillé contre son tigre et le feu, dieu merci, crépitait encore. La chaleur que lui apportait Baguè était non négligeable. Il était certain que sans son tigre, Karl aurait déjà attrapé la crève. 

- je te dois la vie, Baguè. Murmura t-il à son ami. 

En plus d'une chaleur, Baguè lui était d'une protection inébranlable. Le tigre avait bien compris que le monde en voulait à son ami humain. Qu'il était en danger. Et il se montrait aussi alerte que Karl, aussi sur la défensive. Enfaite, sans son tigre, Karl serait peut-être mort à l'heure qu'il est. 

Le jeune homme se redressa et tâcha de remuer un peu les cendres. Il était dans un piteux état. Ses cheveux étaient ébouriffés et trop longs. On voyait l'effort qu'il avait fait une fois de les couper au couteau, histoire de ne pas les avoir dans les yeux en chasse ou en combat. De ce fait, on voyait de grosses sections disgracieuses. Il avait de la terre sur le visage et une barbe crasseuse. Oh il avait pas fière allure le Sombreval ! Une honte pour sa digne lignée d'ailleurs. Mais ce qui était le plus embêtant, c'était l'état de ses pieds et de ses mains : elles étaient déjà crevassées par le froid, les nuits et son travail acharné pour survivre. Ses pieds, renfermés sans arrêt dans ses bottes de cuire s'était pourris au point de lui causer une douleur constante. La marche incessante avait provoqué des ongles incarnés qui s'étaient infectés. 

- je ne tiendrais jamais tout l'hiver ainsi. Ça fait un mois que je ne me suis pas vraiment nettoyer. Il fait trop froid. 

Pourtant à Sombreval, il en savait quelque chose des douches froides. Mais là s'était différent. Si seulement il pouvait se trouver une bonne planque et hiberner. 

Karl leva la tête vers le ciel. Il était couvert mais le soleil se levait. 

- il faut se préparer et faire des provisions. Je dois me trouver une grotte aussi. Grâce à toi, on repoussera les ours pour y élire domicile. 

Les grottes étaient plus fraîches que l'extérieur en été, mais plus chaudes en hiver. L'humidité était un réel problème qui allait lui valoir une bonne grippe, sans aucun doute. 

- aller. Annonça t-il d'un ton résolu. 

Karl était un combattant, il ne s'avouera pas vaincu du moment qu'il ne sera pas aux portes de la mort. Certes il avait mal, il puait, et ma fatigue le plombait, mais ce n'était pas encore la mort. 

- aujourd'hui on trouve la grotte, on chasse, et j'irais me nettoyer si on trouve un coin d'eau. 

Il éteignit le feu, pris soin d'éparpiller les cendres et jeter le bois restant. Baguè se leva et lui emboita le pas. 

Sur la route, Karl eu tout le temps de songer à la gentillesse de la fille qui lui avait pris Idylle. Ester. Et il songeait aussi à une manière de la remercier. Seulement, aucune des idées n'était à la hauteur de son geste. Il pouvait lui apporter quotidiennement une prise de ses chasses pour l'aider à tenir l'hiver. La jeune femme lui avait paru venir de la basse société. Mais il allait manquer lui-même de nourriture très rapidement. Malheureusement, a l'heure actuelle, il n'avait plus que son gibier à donner. Et dans tous les cas, ce qu'il voulait vraiment offrir à Ester, c'était une place confortable au chaud dans les donjons ou les demeures qu'il avait connu. Rien d'autre ne serait à la hauteur pour la remercier. Or pour avoir un donjon, il fallait être nobre. Il fallait des terres. Il ne fallait pas être un fugitif. C'est alors que le jeune homme se plut à élaborer un plan pour reprendre Sombreval.

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  • Plume de Choucas

    Samedi 9 Septembre 2023 à 23:47
    

    ()

- Moi c'est Amalinsk !

Elle se présenta au nouveau venu bien souriante comme toujours.

- Vous êtes classes les métamorphes.

Pas très adroit comme remarque, mais autant dire quelque chose, car elle savait désormais qu'elle faisait une tête un peu bizarre face à ces transformations et ces changements de vêtements. 

Au fait, se faire qualifier de "classe"... est ce que ce serait pris de la mauvaise manière ? Du style, être métamorphe c'est censé être aussi normal qu'élémentaire de feu, qu'est ce qu'il y a de classe dans quelque chose d'aussi basique ?

Alex était loin d'être une personne qu'on pouvait vexer facilement (quoique, tout dépend peut-être du contexte) et surtout loin de se soucier des sous entendus que pouvaient avoir une phrase. C'est alors avec son sourire tout naturel qu'il remercia Amalinsk : 

- T'as vu ! Même les mages de Sableblanc rivalisent pas avec notre style ! 

Par peur qu'un petit blanc s'installe dû à sa venue tardive, Alex enchaina à l'intention de tous : 

- Alors ? Pourquoi on est là ? 

L'entrain dans la voie; il était prêt à tout 

- Ah, je m'entraînais au patin à glace, c'est tout.

Elle jeta un coup d'oeil derrière elle. Il n'y avait plus aucun signe de la présence d'une scène glacée il y a quelques minutes.

- En parlant de style, j'espère que vous penserez que j'en ai aussi. Car j'ai rencontré Ester hier, et on s'est posé rendez vous ici, où je fais mes répétitions.

Elle lui fit un sourire en montrant les dents, puis se mit de dos, cachant son visage qui était retourné en état concentration et respiration lorsqu'une surface de glace apparut de nouveau sur l'herbe. Elle se plaça dessus, faisant une pirouette pour être de nouveau face à Alex, et pencha la tête sur le côté, clignotant une fois des yeux espièglement.

- Prêt ?

Sans attendre sa réponse, elle commença à faire un lent tour sur la glace, puis très vite se mit à spiraler vers le centre, terminant la spirale sur un saut. Elle atterrit dans une position accroupie, l'une des jambes tendues en avant, puis attrapa le pied de celle ci avec une main, l'autre bras était au ciel. Elle tournait encore dans cette position là en se redressant lentement jusqu'à rejoindre ses deux mains au dessus de sa tête comme une flèche.

Et elle continuait, se détachant de nouveau du monde matériel.

(mdrr j'ai commencé à écrire, j'ai noté un "B", heu non, j'efface. Puis j'ai écrit "Karl", heu non, pas lui... "Alex" voilà lui !) 

Alex ne compris pas tout de suite la réponse à sa question. Peut-être était-ce une volonté pour Amalinsk de faire planer le doute. La glace se matérialisa sur le sol, mais ne l'éclara pas plus. Puis il vit la jeune fille sauter lestement dessus et le regarder. Il lui sourit, toujours dans l'incompréhension mais avec déjà une certaine excitation de la nouveauté. Voilà bien longtemps que les trois compères c'étaient enfermé dans une routine sécurisante. Qui contrastait grandement avec leurs peripeties passées. Alex était heureux de se sentir plus en sécurité mais l'aventure lui manquait parfois. 

Puis la jeune fille se mit à faire des cabrioles sur la glace avec une assurance et une agilité déconcertante. Alex en resta béat, yeux écarquillés. Il n'avait jamais vu, ni soupçonné, une telle activité de toute sa vie. Si lui venait à se retrouver sur la glace, c'était sur un lac en hiver et il ne s'en amuserait surement pas. Et jamais il aurait eu l'idée de se laisser glisser dessus, soumis aux aléas de l'incertain. 

- Hé bien. Fit-il, surement pour essayer de sortir de sa léthargie passagère. 

Il fit rapidement un tour de regard sur Ester et Leya, avant de revenir sur Amalinsk et s'épater de son équilibre et sa souplesse. 

- Tu savais qu'elle allait nous montrer ça Ester ? 

Leya était tout aussi surprise mais ayant vécue son enfance à Boiscendré, elle avait déjà vu des enfants aller s'amuser sur la glace en hiver. Ils n'avaient pas ce niveau d'aisance, mais assez pour s'amuser. Dictée par son tempérament calme, la jeune fille s'assit sagement dans l'herbe pour apprécier le spectacle.