Il y a quelques mois de cela, une missive fut transmise à la demeure Dorésable. Apportée d'un pigeon voyageur, il était arrivé tôt durant une matinée aussi fraiche qu'ensoleillée. La brise soufflait depuis la mer et agitait les nez rouges des marchands à l'étalage. Le pigeon avait survolé la ville, son port mythique où avait lieu la plupart des échanges, sa grande rue dont les étales emplissaient le passage pour exposer des produits venus d'ailleurs. Le brouha des heureux commerçant, puis les rires des enfants autour de la fontaine centrale.
Enfin, l'oiseau passa dans des rues dans lesquelles régnait le calme des premiers battements de paupières. Les rues s'inclinaient pour épouser la courbe du flanc de colline jusqu'à une bâtisse fièrement dressée, plus large, plus décorée. Il la contourna et passa sous une fenêtre entrouverte, où s'échappait des plasmodies éparses. La jeune Dorésable profitait des premiers rayons du soleil pénétrant dans sa chambre, avant l'arrivée de ses dames de compagnies. Devant son chevalet, elle assemblait les couleurs, les mélangeaient, pour faire vivre sa toile et inspirer chez elle l'admiration d'une enfant. Voilà longtemps que son art n'avait pas témoigné d'un bonheur nouveau. Et ce tableau avait un air de liberté. 

Son amie la plus proche finit par s'annoncer de deux coups à la porte puis rentra. Les salutations qui s'en suivi témoignaient d'un respect sincère entre les deux femmes. Daena Rock, anoblie il y a de ça 4 générations en remerciement pour les actes héroïque de son ancêtre. C'était une femme très douce et pleine de bon sens, sa passion se trouvait dans la mode et la couture. Pour autant, Oeli ne doutait pas de la force de son esprit et de sa loyauté. 

Daena tâcha de lui choisir une robe adaptée aux recommandations du jour et aida la noble à s'habiller. Elle se couvrit alors d'une robe au vert sombre, décorée de broderies dorées et au col relevé. Les épaules étaient soulignées de fines épaulettes pour relever la carrure de la jeune femme, lui donner plus de prestance. Coiffée puis maquillée et Oeli s'apprêta à rejoindre son bureau. 

Alors qu'elle traversait les couloirs d'un pas confiant, un messager l'interpella : 

- Madame... une lettre pour vous. 

- De qui est-elle ? Répondit la jeune femme sans grand empressement. 

L'hésitation et la perplexité laissèrent le messager muet. Oeli saisit la lettre et la lut silencieusement. Son visage se décomposa à la lecture et le silence alourdit l'atmosphère alors que son regard se perdait dans une réflexion intense. 

- D'accord. Merci. Laissez-moi. 

Oeli s'enferma dans son bureau pour relire de plus en plus calmement la missive. Elle était du Seigneur Darkus Sombreval. Il annonçait son accès au pouvoir et se proclamait roi d'Ethanor. Ainsi, il incitait toutes les personnes influentes à venir à Port-les-Mouettes promettre leur soumission et loyauté ou être considéré comme un ennemi public.  

Oeli savait parfaitement ce qu'on disait à propos de cet illustre -ignominieux- personnage. Mais pour le coup, il n'y avait pas besoin de tourner la situation cent fois dans sa tête : elle était un vassal de la région Sableblanc, son armée était faible et elle était sous la protection directe du roi. Darkus n'avait pas à déplacer la moitié de son armée pour l'écraser. Son importance résidait dans sa richesse et son marcher. Dorésable était une banque et l'ancien roi avait d'ailleurs des dettes financières à son égard. Elle contribuait aussi grandement à la richesse de la région et faisait vivre autant les villes que les campagnes. Bref, tout ça, c'est sa famille qui l'a bâti et elle n'était pas prête à tout faire couler. Son business lui était plus important que le roi auquel elle se ralliait.  

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C'est ainsi qu'Oeli avait contacté sa tente pour demander sa présence à Dorésable et gérer les affaires en son absence. Elle avait constitué son escorte et s'était mise en route pour Port-les-Mouettes.